TRILOGIE The Curse
- Charlotte - Jeux de Mots
- 18 juil. 2018
- 9 min de lecture

Titre: The Curse
The Crime
The Kiss
Auteur: Marie Rutkoski
Editeur: Lumen
Prix: 15 €
Date de parution: dernier tome, 15 mars 2018
Nombre de pages: 464, 540 et 635
Genre: Fantasy
Résumé: Gagner peut être la pire des malédictions...Fille du plus célèbre général d'un empire conquérant, Kestrel n'a que deux choix devant elle : s'enrôler dans l'armée ou se marier. Mais à dix-sept ans à peine, elle n'est pas prête à se fermer ainsi tous les horizons. Un jour, au marché, elle cède à une impulsion et acquiert pour une petite fortune un esclave rebelle à qui elle espère éviter la mort. Bientôt, toute la ville ne parle plus que de son coup de folie. Kestrel vient de succomber à la " malédiction du vainqueur " : celui qui remporte une enchère achète forcément pour un prix trop élevé l'objet de sa convoitise.Elle ignore encore qu'elle est loin, bien loin, d'avoir fini de payer son geste. Joueuse hors pair, stratège confirmée, elle a la réputation de toujours savoir quand on lui ment. Elle croit donc deviner une partie du passé tourmenté de l'esclave, Arin, et comprend qu'il n'est pas qui il paraît... Mais ce qu'elle soupçonne n'est qu'une infime partie de la vérité, une vérité qui pourrait bien lui coûter la vie, à elle et à tout son entourage.Gagner sera-t-il pour elle la pire des malédictions ? Jeux de pouvoir, coups de bluff et pièges insidieux : dans un monde nouveau, né de l'imagination d'une auteure unanimement saluée pour son talent, deux jeunes gens que tout oppose se livrent à une partie de poker menteur qui pourrait bien décider de la destinée de tout un peuple.
Mon avis sur la trilogie:

J’ai adoré cette trilogie que j’ai dévorée en l’espace d’une semaine, chose extrêmement rare pour moi ! D’abord j’ai fait trainer le tome 1 dans ma PAL pendant plus d’un an, mais une fois que je l’avais en main, impossible de le reposer et je me suis ruée en librairie pour acheter les deux suivants. Marie Rutkoski nous propose un univers innovant et passionnant dans lequel on se plonge avec une facilité déconcertante et dont il est très difficile de s’extirper. Un véritable page turner !
Nous sommes donc transportés dans un monde imaginaire qui nous donne un peu l’impression de retourner dans le temps vers la Grèce ou encore la Rome antique. Cet univers est divisé en plusieurs royaumes, et l’un d’eux, l’Empire valorien, a presque réussi à conquérir l’ensemble du monde connu.

C’est dans cet environnement qu’évolue Kestrel, fille du général le plus puissant de l’Empire conquérant. Elevée à Herran, annexée puis colonisée par son père alors qu’elle n’était encore qu’une enfant, elle n’a jamais connu que le luxe et les paillettes de la haute société et elle occupe majoritairement ses journées à jouer au piano ou à participer à de grandes réceptions organisées par ses compatriotes colons. Si la jeune fille fait également face à des problèmes plus sérieux – elle devra bientôt choisir entre rejoindre l’armée, chose qui la répugne, ou se marier, ce qui ne l’enchante pas d’avantage – elle n’est cependant que peu consciente de la misère véritable dans laquelle vit le peuple herrani, réduit en esclavage depuis la conquête du pays. En effet, il n’y a presque plus d’hommes libres parmi le peuple local et tous ont été mis au service de l’envahisseur. De simples artisans à serviteurs dans de grandes propriétés, les rôles occupés par ces esclaves sont multiples et chaque famille a la possibilité d’en posséder autant qu’elle le souhaite et peut donc les acheter sur le marché spécialisé.
C’est justement sur ce marché aux esclaves que tout commence puisque c’est là que Kestrel va rencontrer Arin. Le jeune homme est beau, mystérieux, très visiblement en colère, mais surtout à vendre. Et, par un coup du destin qu’elle ne parviendra jamais à expliquer, Kestrel va l’acheter. La jeune femme qui s’était toujours refusée à s’offrir un esclave bien à elle – quand son père en possède bien sûr des dizaines – va dépenser une somme pharamineuse pour acquérir ce jeune homme qui n’a pourtant pas l’air franchement docile. Et c’est là que tout commence...
Comme je l’ai dit, l’univers de Marie Rutkoski est vraiment incroyable. Au fil des trois romans, le lecteur découvre plusieurs aspects de ce monde, visite différents endroits et rencontre toutes sortes de personnes. De la péninsule d’Herran où tout a commencé, aux couloirs complexes et pleins de manigances du château de Val en passant par les plaines désertiques de Dacra, le paysage se peint sous nos yeux jusqu’à former une carte haute en couleur de ce que l’auteur a cherché à nous faire voir. Les descriptions ne sont pas trop nombreuses mais elles suffisent amplement à se représenter des images claires de ce qui nous ait donné à voir. De plus, tout passe par le regard de nos personnages principaux qui ne se contentent pas de commenter ce qu’ils voient mais aussi de le dépeindre grâce à leurs sensations et à leurs impressions.
Les coutumes et traditions des différents pays sont décrites en filigrane et s’insèrent parfaitement dans le récit. Pas de longs passages parfois vides de sens vis-à-vis de l’intrigue principale, mais des moments bien choisis pour mettre en avant certains aspects socio-culturels tout en restant bien ancré dans l’histoire. J’ai beaucoup apprécié découvrir ce monde plein d’opulence qu’est l’Empire valorien où seules les apparences comptent. Descriptions de robes chatoyantes, de longs dîners fastueux ou encore de bals outrageusement grandioses, tout y est. L’amour du jeu de plateau est également cultivée par l’auteur puisqu’il s’agit de l’une des activités favorites des Valoriens. Crocs et venins, Escarmouche, tant de jeux qui ressemblent aux nôtres sans être pour autant les mêmes et qui proviennent à chaque fois de l’un des pays conquis par l’Empire.
Passons à l’intrigue maintenant. Quand j’ai commencé le premier tome il faut dire que j’ai trouvé le schéma classique. L’évolution de la relation entre les deux personnages principaux occupe la première moitié du premier volet (avec la mise en place de l’univers) et on ne plonge que brièvement dans la véritable intrigue. Au fur et à mesure, cependant, l’auteur commence à montrer ses cartes et à dévoiler ce qu’il se trame véritablement derrière cette façade de grandeur que l’Empire valorien cherche à mettre en avant et on découvre assez rapidement l’envers du décor. Si la relation entre Kestrel et Arin reste au cœur de l’histoire tout au long de la trilogie et en constitue d’ailleurs le fil rouge, c’est une véritable quête politique et militaire qui se dessine en arrière-plan et cet aspect prend de plus en plus d’ampleur à mesure qu’avancent les évènements.
Je dirais que tous les éléments distillés au fur et à mesure prennent vraiment tous leur sens vers les ¾ du second tome. A partir de ce moment, tout s’accélère et on franchit un cap entre romance interdite sur fond de conflit politico-militaire et grande fresque guerrière et combat pour la liberté (la romance est toujours là mais ce n’est plus le plus important).
Viennent ensuite les personnages qui sont tout de même assez nombreux. Commençons par nos deux héros, Kestrel et Arin. Au premier abord, tout les oppose. Elle est la plus grande dame de la cour valorienne et lui est un esclave herrani à qui la conquête à tout prix, de sa famille jusqu’au rang qu’il possédait. Pourtant, au fil des pages, on se rend compte qu’ils ne sont peut-être pas si différents.
Le personnage de Kestrel occupe presque exclusivement les deux premiers tomes. En effet, l’histoire est racontée sous forme de point de vue interne (même si on reste à la troisième personne) et au départ, on reste presque constamment avec Kestrel avec quelques incursions du côté d’Arin. Durant les deux premiers tomes, j’ai eu une opinion mitigée sur ce personnage puis j’ai fini par me décider et je l’ai adorée dans le dernier volet.
Kestrel est une jeune femme très intéressante. Elle est forte, courageuse, très intelligente et stratège mais elle est aussi parfois plus timide, plus discrète ce qui trahi un manque de confiance en elle. J’ai beaucoup apprécié son évolution tout au long de la trilogie pour passer de jeune fille de bonne famille à la foi presque aveugle en son gouvernement et sa politique à véritable guerrière qui se bat pour la justice, la vérité et la liberté. Son côté stratège s’affine au fur et à mesure jusqu’à ce qu’elle devienne même meilleure que son père mais elle conserve toujours cette part de vulnérabilité ce que j’ai vraiment apprécié. On tient là un modèle très réussi d’héroïne de fantasy young adult avec ses forces et ses faiblesses qui font d’elle un personnage entier et réaliste et la tiennent aussi éloignée du cliché de la femme parfaite que l’on peut croiser parfois dans ce genre de roman. Ses faiblesses, justement, ont pu m’agacer mais elles étaient essentielles à la bonne construction de l’histoire. Ce côté indécis, parfois manipulateur et menteur que j’ai parfois pu trouver poussé à l’extrême rajoute encore à la profondeur de son personnage et à la loyauté qui la tiraille tout au long de l’histoire. Aux vues de la construction, je pense donc que l’auteur a clairement cherché à donner à ses lecteurs des sentiments confus pour ce personnage jusqu’à en arriver à la conclusion et à l’affirmation de son caractère et de ses sentiments. Personnage très réussi selon moi.
Passons à Arin. Comme dit, au départ, le lecteur ne sait que peu de choses personnelles sur lui puisqu’il ne se trouve presque jamais dans sa tête. La situation évolue vers la moitié du deuxième tome et on en apprend alors plus sur lui. C’est également un personnage que j’ai beaucoup apprécié et que j’ai apprécié tout de suite. Pas de sentiments conflictuels au sujet d’Arin, on sait rapidement où se situer. Contrairement à Kestrel, il est toujours brutalement honnête et ne cache jamais ses sentiments ni même ses intentions ce qui en fait un personnage entier. A partir du tome 2, on en apprend un peu plus sur lui et sur son passé et on découvre un personnage tourmenté, tiraillé entre son devoir et ses désirs et meurtri par les horreurs qui lui sont arrivées. J’ai pu, par moment, le trouver un peu plus « faible », un peu moins volontaire, moins marqué que Kestrel mais face à elle, il fallait un personnage plus tempéré. Deux caractères trop forts auraient créé un déséquilibre.
La relation entre les deux personnages était intéressante. Dans le premier tome, j’ai trouvé qu’il manquait un peu d’alchimie pour rendre ce début de romance parfaitement crédible mais les éléments se rajoutent au fur et à mesure et dans la conclusion, leur relation prend tout son sens. Ce sont des personnages qui se complètent bien, qui voient souvent les choses de la même façon mais ce sont aussi des personnages qui ont eu une mauvaise expérience de l’amour sous toutes ses formes, soit parce qu’ils l’ont perdu depuis longtemps, ou alors parce qu’ils ne l’ont même jamais vraiment connu ce qui peut poser des problèmes de confiance parfois. Le fait qu’ils soient, au départ, dans des camps opposés est aussi très intéressant parce que le lecteur suit tout le processus qu’ils doivent traverser pour arriver à faire des concessions entre leurs croyances et leurs devoirs et leurs sentiments. J’ai beaucoup apprécié le fait que cette romance ne soit pas facile, qu’elle ne se mette pas en place tout de suite et qu’il y ait de nombreuses épreuves à traverser – à la fois indépendantes de leurs volontés et à la fois contre eux-mêmes – avant de parvenir à une conclusion. Cette construction rajoute de l’authenticité à leur relation et colle parfaitement avec le développement de l’intrigue.
Je vais rapidement passer sur les personnages secondaires, puisqu’ils sont assez nombreux. Je les ai globalement tous aimés (à l’exception de Jess et Ronan qui ne m’ont que moyennement plu) et j’ai apprécié la mixité et dans les caractères et dans les origines des différents personnages. A travers eux, le lecteur peut en apprendre plus sur les différents lieux explorés dans l’histoire et sur leur culture ce que j’ai trouvé très enrichissant pour l’univers. Ce que j’ai beaucoup apprécié également, c’est que ces personnages secondaires ne servent pas uniquement à aider les héros en apparaissant à des moments propices. Ils ont tous une histoire, tous une personnalité qui leur est propre et ils apportent tous quelque chose d’unique aux romans. Roshar et Verex sont sans doute mes préférés, le premier pour son humour noir et son grand sens de l’amitié (même s’il le cache bien) et le deuxième pour sa loyauté et sa gentillesse pure et simple. Dans un autre registre, le père de Kestrel est également assez intriguant puisqu’on ne sait pas si on doit le haïr ou le comprendre et compatir. C’est un personnage complexe qui ne laisse rien paraître de ses émotions et qu’on ne peut s’empêcher de trouver fascinant.
Enfin, je vais quand même m’arrêter sur certains éléments que j’aurais souhaité voir plus approfondis. La mythologie herrani pour commencer. Tous ces concepts de dieux sont vraiment intéressants et j’ai trouvé dommage que l’auteur ne s’y attarde pas d’avantage. Bien sûr, ce n’est pas essentiel à l’histoire, loin de là, mais je pense que ça aurait pu apporter un petit plus à la compréhension de ce peuple (après je suis une passionnée de mythologie donc je suis peut-être un peu biaisée). J’aurais aussi aimé en savoir un peu plus sur le passé d’Arin. On découvre au fur et à mesure d’où il vient et ce qui lui ait arrivé après la conquête mais je trouve qu’il aurait fallu creuser un peu plus. Il manque selon moi certaines informations pour pouvoir peindre un portrait complet de ce personnage. Dans la même veine, quelques détails supplémentaires sur le fonctionnement de Herran avant la guerre avec la Valorie n’auraient pas été de refus. L’organisation de l’Etat, la famille royale, rien de trop détaillé mais quelques connaissances supplémentaires auraient été appréciées.
Pour finir, la fin relativement ouverte de la série permettrait à l’auteur de creuser d’avantage son univers avec d’autres histoires et j’adorerais vraiment en savoir plus sur certains personnages, ce qu’ils vont devenir ou ce qu’ils ont été et j’espère qu’un jour, nous pourrons à nouveau voyager avec Marie Rutkoski.
Je vais m’arrêter là (parce que cette chronique est déjà beaucoup trop longue) et conclure en disant que je recommande mille fois cette série à tous les fans de fantasy voire même de fresques historiques. J’ai adoré chaque moment de ma lecture, les pages se tournent sans effort et se dévorent à grande vitesse. C’est un vrai coup de cœur.
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